Droits d’auteur : pourquoi je ne pourrai pas écrire un roman inspiré d’une chanson particulière…

J’avais pour fantasme depuis quelques décennies d’écrire un roman basé sur les vers d’une chanson française dont les deux auteurs (paroles et musique) sont décédés, mais qui n’est pas tombée dans le domaine public (il faut attendre 70 ans après le mort du dernier des deux co-auteurs, lequel est décédé il y a 17 ans). C’est un succès mondial gigantesque, mille fois adapté et interprété, devenu même un standard de jazz, qui doit rapporter des millions d’euros chaque année (si j’en crois les explications pour estimations de la SACEM).
Je m’y suis enfin mis il y a 2 mois, mais 4e chapitre, un matin au réveil (!) je me dis qu’il me faudrait peut-être demander l’autorisation à la société de gestion des droits. Espérant une autorisation gracieuse. Je fais donc la démarche, il y a un mois et demi.

On me demande au final 600 € HT pour une auto-édition à 500 exemplaires — à renégocier si le projet était édité à compte d’éditeur…
Bref, je laisse tomber.

Ci-dessous, les échanges que j’ai anonymisés avec les détails du projet…


Premier courriel adressé à la société gestionnaire des droits

Questions concernant l’exploitation des paroles de « XXXXX » (XXXX – XXXXX – XXXX) pour un roman

Bonjour Mme ou M.,
J’ai des questions particulières. Je suis écrivain (https://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Mizio). J’envisage d’écrire un roman dont le sujet est le suivant : [ici le projet, si je mets le détail, on identifiera la chanson] ; chanson qui est en « collaboration indissociable ». Les paroles y seront donc citées et utilisées de nombreuses fois. La chanson ne sera aucunement dénigrée ; bien au contraire, c’en serait un hommage appuyé. Quelles démarches pour en obtenir l’autorisation ? Quel coût éventuel ? Cela me serait-il autorisé gracieusement ? (par exemple dans un roman précédent, j’avais utilisé « Chez Laurette » (le personnage, le lieu, et quelques paroles) de Michel Delpech et mon éditeur d’alors, Flammarion, avait obtenu l’autorisation gracieuse des ayant-droits). Le roman n’est pas écrit à ce jour.
En vous remerciant pour votre réponse, recevez mes salutations cordiales,

1ère réponse de la société de gestion

Cher Francis,
Je vous remercie pour votre mail. Je vous confirme que nous sommes bien éditeur de l’œuvre mentionnée ci-dessous :
XXXXXX
Auteur : XXXXXX
Compositeur : XXXXXX
© XXXXXX
Avant d’étudier votre projet plus en détail, j’aurais besoin de quelques précisions afin d’évaluer la faisabilité de cette adaptation littéraire d’une musique. Pourriez-vous, svp, me transmettre les éléments suivants :

  • Titre provisoire du roman
  • Résumé provisoire
  • De quelle manière la chanson intervient-elle dans le roman ? (Inspiration, adaptation directe, prolongement narratif, réécriture, etc.)
  • Volume estimé (nombre de pages et tirage envisagé)
  • Le roman fait-il référence à d’autres œuvres ou repose-t-il uniquement sur l’univers de XXXXX ?
  • Date de publication envisagée (2026, 2027…)
  • Avez-vous un éditeur pour ce projet ?

Ces informations nous permettront de mieux comprendre votre démarche et d’envisager une éventuelle demande d’autorisation auprès des ayants droit.
Par ailleurs, je me permets de vous préciser dès à présent qu’une autorisation gracieuse ne pourra malheureusement pas être envisagée. En effet, dans le cadre d’un projet à visée commerciale, nous sommes tenus, en tant qu’éditeur, de facturer des droits graphiques.
Je vous remercie par avance pour ces précisions et reste à votre disposition pour toute question complémentaire.
Bien à vous,

Ma réponse aux questions

Bonjour XXXX,
Merci pour votre réponse.
En fait, je me suis interrompu actuellement au 4e chapitre, depuis que je vous ai écrit, réalisant subitement qu’il me faudrait demander l’autorisation aux ayant-droits.
Le projet est le suivant. Il est né du fait que cette chanson est celle que je préfère entre toutes, depuis toujours (avec quelques autres qui seront simplement citées telles Aguas de Março, de Jobim, par exemple ou d’autres évoquant [sujet de la chanson] :
– Le roman aurait pour titre « [même titre que la chanson] ». Cela peut changer.
– C’est un roman satirique sur le monde de l’audiovisuel (producteurs de films, documentaires…), et une comédie sociale (l’humour et la satire étant ma « spécialité »). À aucun moment, la chanson ne sera dénigrée, bien au contraire. La chanson est au centre du projet ; c’est même sa raison d’être en quelque sorte.
– Le principe : je reprends chaque vers de M. XXXX à l’envers (je pars du dernier et remonte jusqu’au premier. Chaque vers compose le titre du chapitre. Autant de vers, autant de chapitres. Ça commence donc avec le dernier vers « [dernier vers]», le second est « [avant dernier vers] », le 3e est donc « [antépénultième vers] », et ainsi de suite. Le dernier chapitre est donc « [vers]», soit le premier vers. Ce principe est une contrainte : l’idée émise dans le vers doit être évoquée dans le chapitre et cela conditionnera le contenu du chapitre concerné. Ainsi, dans le premier chapitre « [dernier vers] », le personnage lors d’un dîner en ville chez un producteur qui glosait [sujet de la chanson], par vantardise en retour prétend avoir fait dans sa jeunesse dans les années 80/90 [sujet de la chanson], par amour de la chanson. Ce mensonge va le faire s’enferrer (son épouse étant embauchée comme chargée de production par le producteur, il ne peut plus démentir pour ne pas créer d’impair et mettre sa femme en difficulté). À la suite de ce mensonge, le personnage (qui est à la retraite) se dit toutefois que c’est une bonne idée et commence à envisager tous les scénarios possibles, de romans possibles qui lui permettraient de passer en revue [les éléments] de la chanson. Ses idées de romans sont quelque peu boiteuses, mais il se lance dans ce projet à titre personnel. Hélas, le producteur (qui vient d’embaucher la femme du personnage donc), fasciné par [le sujet et les éléments contenus dans la chanson] prétendument effectué lui demande (soit par crédulité, soit par sadisme) de lui soumettre des projets de films ou de documentaires liés à la chanson, ou à d’autres chanson évocatrices de [sujets similaires]. Le personnage va donc devoir soumettre des projets contre son gré, s’enferrer, etc. (J’ai travaillé il y a fort longtemps pour ce genre de producteurs TV). Trois lignes narratives donc : 1- Les idées de romans que veut écrire mon personnage qui se débat avec l’écriture 2- Les relations avec le producteur et les projets qu’il lui soumet, et comment il veut s’en dépatouiller. 3- La vie personnelle et sociale plus largement du personnage, ses affres et considérations sur l’existence, l’époque, la fuite du temps, et tout et son contraire.
– Ce serait un roman de format standard, de l’ordre de 200 pages.
– Date de publication : il n’est pas terminé, puisque je me suis interrompu à cause de ma demande d’autorisation, craignant soit un refus, soit des conditions financières qui me seraient déraisonnables et me feraient abandonner le projet. De fait, l’avenir de ce projet dépendra de votre réponse.
– Date de publication : aucune idée. Il faut qu’il soit terminé, accepté par un éditeur. J’ai été jadis publié par les meilleurs (Gallimard, Flammarion, le Seuil, etc. https://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Mizio#%C5%92uvres ) mais ça remonte à un loin et aujourd’hui, je repars en vérité de zéro car le monde de l’édition a bien changé ces 20 dernières années. Je ne sais donc pas si je serais publié, ni par qui.
Dans l’optique où ayant eu l’autorisation et aurais fini ce roman sans avoir trouvé d’éditeur, j’envisagerais de m’auto-éditer (= environ 500 ex. ce qu’on peut attendre d’une vente moyenne actuelle, compte tenu que je battrais le rappel auprès de mon noyau de lecteurs fidèles qui m’ont acheté ces dernières années un roman précédent auto-édité par souscription (que je n’avais même pas proposé aux éditeurs sachant que ce n’était, vu sa facture, même pas la peine. C’est cela, pour l’anecdote et vous donner l’esprit de mes esprits, il y a la 4e de couverture : https://tribu-macroqa.francis-mizio.net/tribu-macroqa/ya-quoi-dans-ce-livre/).
Avez-vous SVP une idée du montant des droits graphiques (une fourchette ?). Par ailleurs, je ne comprends pas cette notion de « droits graphiques » ? Il s’agit de la reproduction du texte ?

2e réponse de la société de gestion

Cher Francis,
Je vous remercie pour vos précisions et pour la présentation détaillée de votre projet.
Pour répondre à vos questions, la notion de « droits graphiques » correspond dans notre cas aux droits liés à la reproduction des paroles et du titre de l’œuvre dans un support imprimé (livres, affiches, etc.). Concernant le forfait, celui-ci variera selon que vous soyez en autoédition ou soutenu par un éditeur.
Nous avons contacté les ayants droit afin d’obtenir leur accord de principe et nous reviendrons vers vous avec une estimation du forfait.
Bien à vous,

3e courriel de la société de gestion

Bonjour Francis,
Le projet est donc un roman (format standard, environ 200 pages) dont l’œuvre [chanson] est au centre. Chaque chapitre reprend un vers de l’œuvre, en suivant un ordre inversé (du dernier vers au premier). Chaque vers constitue le titre d’un chapitre et en inspire le contenu. Notre licence couvre les droits pour le Monde entier pour toute la durée de vente des exemplaires.
Le prix de vente du roman n’est pas encore défini. En cas d’autoédition, le tirage sera limité à 500 exemplaires. Cette autorisation sera effective uniquement en contrepartie du versement d’une redevance de 600 € HT (six cents euros hors taxes), et ce, exclusivement pour une autoédition de 500 exemplaires. Si votre roman est publié par un éditeur, la présente autorisation sera nulle et devra faire l’objet d’un nouvel accord.
Cette autorisation ne vous confère aucune exclusivité et ne concerne que l’œuvre mentionnée ci-dessus. Vous vous engagez également à reproduire les mentions complètes de Copyright comme indiquées ci-dessus. Enfin, toute autre exploitation de l’œuvre reste interdite.

Ma dernière réponse

Bonjour XXXX,
Tout d’abord je vous remercie vivement pour le temps et l’énergie que vous avez consacré à mon petit problème.
Je vous informe que je vais donc abandonner totalement ce projet.
Dans l’économie actuelle du livre, tant en autoédition qu’en édition à compte d’éditeur ce serait un investissement  déraisonnable. En autoédition, le risque de perte est grand compte tenu des difficultés de distribution du livre (écouler 500 exemplaires en auto-édition — et donc supporter l’impression et surtout les envois postaux qui peuvent être 3 fois du coût d’impression… je l’ai déjà réussi, mais ce fut… on va dire, sportif). Dans le cas d’une édition à compte d’éditeur (disons : moyen éditeur, tirage faible) — en supposant pour la démonstration que ce serait du même coût de 600 € HT — c’est impensable car cela équivaudrait déjà aux a-valoir que je pourrais espérer toucher de l’éditeur qui dans ce cas déclinerait. À la limite si un « grand éditeur » y consentirait, compte tenu que je toucherais environ 1€ par exemplaire de droits d’auteur, ils partiraient dans la reversion qui vous serait due au titre de la gestion (un livre d’après le syndicat national de l’édition hors best-seller, ne se vend plus aujourd’hui qu’entre 100 et 500 exemplaires en moyenne).
Je ne remets évidemment aucunement en question le principe. Toutefois, je  ne vous cache pas que j’osais espérer une autorisation gracieuse, compte tenu de ce que doit déjà rapporter en exploitation musicale cette chanson. (D’ailleurs j’avais une question si vous le permettez et je ne vous embêterai plus : comment cela se passe-t-il pour des sites comme celui- ci  ? : https://www.paroles.cc [+ url des paroles]) .
En vous remerciant encore, recevez mes salutations cordiales
Francis Mizio

(Si j’ai une réponse à ma dernière question — ils mettent du temps en général à répondre — je l’ajouterai ici).