Rond-point
Sa théorie est pourtant simple et convaincante : si on s’est mis à créer des ronds-points ou des carrefours là où se trouvaient préalablement des monuments religieux, c’est parce que ces derniers incitaient depuis toujours à en construire, en nous persuadant insidieusement de croiser les itinéraires, telle une image subliminale. Et il aimait exhiber cette photographie comme preuve incontestable et magistrale : le calvaire n’avait toujours été ici qu’un séculaire appel au rond-point. Aucun doute. Fort de cette nouvelle approche, de cette analyse décalée de l’Histoire, de la religion vue désormais comme un système paradigmatique de signes routiers et de voies de Dieu pénétrables ; sachant quelle relecture de notre civilisation judéo-chrétienne par conséquent nous devrions formaliser, il avait argumenté sa découverte, son analyse et les chaînes de causalité sur près de 800 pages. Hélas, tous les éditeurs refusaient son manuscrit. Sans doute était-ce une cabale, car on le sait maintenant : il y a des idées qui dérangent trop, trop vite, trop tôt, car l’époque n’est toujours pas prête à une telle remise en cause des fondements profonds de nos culture et société.
(22 juin 2919)