Scrutation

La municipalité fut discrètement avertie de son retour par son secrétaire assistant chauffeur lui-même. Le maire et le préfet prirent alors immédiatement des mesures : filtrage des passants à chaque extrémité de la rue, inspection des demeures alentour, disposition d’agents de sécurité en civil. La dernière fois qu’il était venu, ses heures de « scrutation » comme il les désignait lui-même, se déroulaient immuablement de 14h30 à 17h45 et il semblerait que ce serait le même horaire cette fois encore. Les édiles évoquèrent le coût des dispositifs de sécurité au secrétaire assistant chauffeur qui confirma que la collectivité serait remboursée comme d’habitude, et les riverains, même indemnisés pour la gène occasionnée, sur ses fonds propres. Le seul problème était que nul ne savait combien de jours, de semaines ou de mois ses scrutations allaient durer. Le secrétaire assistant chauffeur rappela que les années précédentes cela avait couru sur des périodes de 3 à 5 semaines, mais qu’il y avait eu aussi une fois où il n’était venu qu’un après-midi entre 14h30 et 16h. « Il ne sait jamais lui-même quand va venir l’idée », ajouta-t-il comme s’il confiait un secret, qui, à vrai dire, n’en était plus un depuis longtemps. Alors comme à chaque fois, tout le monde s’organisa, patienta, s’adapta de bon gré. Chacun savait qu’il fallait s’accommoder des inconvénients et des dépenses puisque de toute façon, on n’avait toujours pas trouvé d’autre personne, ou plutôt et surtout d’autre moyen, pour imaginer la solution du problème de l’année.

(Royan Côte Atlantique, 08/08/19)