Une œuvre de mon artiste fictive Eugénie Delune a été reconstituée !

Mon ami le talentueux photographe Jean-Louis Aubert, visiblement très admiratif du travail de l’artiste conceptuelle fictive Eugénie Delune, dont j’ai écrit la monographie parodique (il reste une dizaine d’exemplaires numérotés, ne traînez pas !) a réalisé « en vrai » l’œuvre qui fait la couverture de l’ouvrage (ci-contre). Le faux (ci-dessus ou ci-dessous) est grossier (le fer à repasser n’est pas de la couleur originale et affiche sa marque ; il y a moins de macaronis…), aussi cette tentative de spoliation échoue lamentablement et Eugénie réfléchit à un éventuel procès interminable et coûteux pour le plagiaire — à moins qu’il paie sa mousse et on en discute.

Voici le texte qui accompagne l’œuvre originale, page 6 de la monographie :

« Alimentation nucléaire » (1999) — courtesy of FRAC décentralisé de Mouilleron-le-Captif (85, France) — installation de fer à repasser démarqué, assiette en céramique espagnole, macaronis 3 minutes salés, cuits, séchés, vernis.

Cette installation, intitulée « Alimentation nucléaire », constitue un hommage poignant et conceptuel aux parents de l’artiste, dont les professions respectives ont assuré la subsistance matérielle de la famille. L’œuvre se déploie comme une métaphore polysémique, fusionnant les éléments domestiques et industriels pour explorer la thématique de la famille nucléaire sous l’angle du labeur et de la mémoire.

L’œuvre se présente comme une synthèse sémiotique des dynamiques socio-économiques et des interactions intergénérationnelles. Le fer à repasser est positionné au centre d’une assiette en céramique espagnole, remplie de macaronis assimilés à des petits tuyaux alimentaires. Ce dispositif matérialise la dualité entre le travail manuel et la domesticité, incarnant une dialectique de la subsistance et de la survie. Le fer à repasser, symbolisant le métier de repasseuse de la mère algérienne de l’artiste, et les macaronis, évoquant les tuyaux du métier de plombier du père espagnol, convergent pour formuler une critique incisive des mécanismes de l’économie familiale et de la production domestique. La juxtaposition de ces matériaux hétérogènes et la disposition ordonnée de l’assiette créent une rhétorique visuelle de la symbiose et de l’interdépendance.

L’installation invite le spectateur à contempler la matérialité du quotidien et à réfléchir sur les processus de transformation du travail en nourriture, en soulignant la centralité des tâches domestiques dans la configuration de la famille nucléaire. Les macaronis, assimilés à des tuyaux alimentaires, renforcent la métaphore de la circulation et de la distribution des ressources vitales au sein de l’unité familiale. Au travers de « Alimentation nucléaire », Eugénie Delune performe une réinterprétation poétique et critique de la famille nucléaire, mettant en lumière la contribution essentielle et souvent invisible des parents dans la construction de l’identité et du bien-être familial. L’œuvre interroge les notions de valeur, de sacrifice et de transmission, en transcendant les frontières entre l’artisanat et l’art conceptuel. Le dispositif, par son esthétique domestique et industrielle, déconstruit les narratifs traditionnels de la famille et du travail, en révélant la complexité des dynamiques de pouvoir et d’affection qui sous-tendent l’économie familiale. Cette installation, par son exubérance matérielle et sa charge symbolique, propose une critique pénétrante des structures économiques et sociales qui définissent notre compréhension de la famille et du travail.

« “Alimentation nucléaire” se déploie comme une métaphore de la famille nucléaire, où chaque élément matériel devient un signifiant des dynamiques socio-économiques et affectives qui façonnent notre existence. Eugénie Delune nous invite à repenser la valeur du travail domestique et à reconnaître la richesse des contributions parentales dans l’alimentation matérielle et symbolique de la famille. » in magazine The Avant-Garde Taboo (1999, GB)

« Certains ont prétendu que c’est une recette de cuisson des macaronis à la vapeur… Pas du tout ! Au travers de cette installation, j’ai voulu rendre hommage à mes parents et à leur travail, qui a nourri et soutenu notre famille. Chaque élément de l’œuvre est une réminiscence de leur dévouement et de leur sacrifice, une célébration de la beauté du quotidien et de la force de la famille. Après, on peut aller plus loin, et voir la permanence des éléments constitutifs de l’existence — je veux parler d’une symbolique de la transmission intergénérationnelle. En effet, sous-jacente se niche aussi une allusion à mon parcours artistique qui a été parfois financièrement difficile. J’en ai bouffé des nouilles au beurre, croyez-moi, — c’est un plat qui souvent repassait sur ma table. »

Eugénie Delune

Re-création par Jean-Louis Aubert (et pièce à conviction).