[Extinction des dinos] « Théorie de la crétinisation générale » de M. André-Paul Mosco, intermittent du spectacle,

Le texte ci-dessous a paru dans les pages « Sciences et vie de la Terre » de la défunte revue de « folies littéraires », TECKEL n°2 (Automne 2004) publiée alors par les éditions Les Contrebandiers. Il s’agissait, puisqu’il y a tant de théories sur l’extinction des dinosaures alternatives à celle admise de la grosse météorite, de permettre selon mon idée à chacune et chacun de proposer la sienne propre. Après tout, nous sommes toutes et tous légitimes d’édifier une théorie qui soit nôtre, nous rassure, nous conforte afin d’échapper au désarroi provoqué par cette surabondance de théories.

Voici la quatrième et dernière des quatre théories idiotes que j’avais rédigées, et par certains points, textuellement la meilleure de la série — et de loin. Je suis assez étonné de redécouvrir aujourd’hui ce texte qui me semble avoir été écrit — il y a donc 21 ans —  dans un traitement qui m’est devenu depuis assez récurrent (tout était donc en germe) : celui de la parodie de jargon, soit cette obsession personnelle, ce tropisme, consistant à générer du corpus inepte, à faire dire et n’importe quoi (et son contraire) au langage ; obsession qui m’a bien occupé par la suite notamment avec mon roman « Au Lourd délire des lianes » ou plus récemment la monographie d’Eugénie Delune, et que je creuse sans me lasser avec ChatGPT depuis son apparition. Preuve en est, soit dit en passant, que je pouvais déjà — sans l’aide de la machine — pondre un texte de ce genre. Bien sûr, il m’avait alors fallu sans doute bien du temps de rédaction… et non pas quelques secondes. On ne se refait pas dans ses fixettes (qui peut-être n’amusent que moi)…
Le prochain et dernier post sur le thème « Extinction des dinos » sera la liste des théories que je n’ai pas développées par la suite, et qui devait être la base de ce qui est expliqué ci-dessous.

Ce travail avait fait par la suite l’objet d’un projet de strips pour enfants avec la géniale, immense et adorable dessinatrice Florence Cestac, mais il n’a pas trouvé de revue intéressée. Ci-dessous un strip démo qu’avait réalisé Florence, basé sur la théorie de la pilosité surabondante développée ici.


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« Théorie de la crétinisation générale » de M. André-Paul Mosco, musicien et intermittent du spectacle, directeur de la troupe « Le Petit Banana Slip Théâtre » à Troyes (10), du 6 novembre 2001. (VERBATIM).

M. André-Paul Mosco est musicien et intermittent du spectacle, directeur de la troupe « Le Petit Banana Slip Théâtre » à Troyes (10)

Un drame de la bêtise : La disparition des dinosaures est une leçon historique et sociétale d’ampleur qu’il est extrêmement regrettable que le gouvernement actuel refuse d’examiner. On le sait depuis les études de Ladislas Krobka (« Les cons, premiers contacts », 1963, Editions de la branche sur laquelle) que toute société qui se refuse à développer la culture, notamment par l’encouragement, la pratique et la diffusion des arts vivants, et notamment le spectacle, et notamment le théâtre d’avant garde et de création, est vouée à s’éteindre, confite dans morbidité.
N’ayant constitué aucune réelle coordination, étant au mieux constitués par troupeaux informels quoique non fédérés, les dinosaures, majoritairement herbivores — pour ne pas dire bovins — se sont refusé par laxisme tout investissement social et collectif dans la création artistique. Occupés, prétendaient-ils à s’alimenter, à brouter, ne voulant considérer que les actions relevant du paradigme utilitariste, les dinosaures indifférents au sens général progressiste et libérateur de la quête artistique ont été leur propres victimes. Croulant sous la masse de leur corps chair, ils ont aussi péri sous le poids de leur stupidité conceptuelle, le corps creux, le corps ectoplasmique de l’atonie culturelle. De génération en génération, la notion même de culture leur est devenue étrangère au point que vers la fin des soixante cinq millions d’années, ils n’avaient plus même conscience de l’éventualité de toute proposition intellectuelle, et encore moins scénographique. Mâchant et digérant toujours le même programme naturellement offert –à savoir les nourritures terrestres (et l’on sait où peut mener le concept de nature s’il est trop plaqué sur la doxa présidant à la vie de la polis)- l’individu saurien re-préhistorisé n’a plus été que ravalé qu’au rang, on me pardonnera l’expression, de crétin. Incapable de se projeter au-delà d’un réel purement protéïnique, la masse dinosaurienne confondue s’est effondrée sur elle-même, asphyxiée par le vide sidéral et sidérant, sinon sidératif, de l’inanité intellectuelle. Il est affirmé que cette extinction par sidération entropique des dinosaures, ainsi due à une a-capacité à transmettre, savoir et savoir-faire au corps social devrait être la base de toute réflexion sur les devenir de notre société qui piétine allègrement les chapitres 8 et 10 du protocole des intermittents. Vouloir faire disparaître les arts vivants en renouvelant d’une lippe molle les erreurs du passé, renvoyer le statut en assimilant ses bénéficiaires à l’éther d’un vague stade proto-dinosaurien n’est que la traduction de la vaste entreprise de dépeçage du bien commun menée actuellement par la société marchande et patronale. Sur la terre jonchée de cadavres acculturés, seul le règne des reptiles volants béats de prédation a pu jadis perdurer. Nous posons la question : est-ce ce monde là, ce monde d’extinction, sans rire, sans joie que nous voulons offrir à nos enfants ? Un monde pathos où ce serait la fin dès le début ?