
[Reco films] « Godland », de Hlynur Palmason (sur Arte.tv jusqu’au 6/10/2025)
Si vous aimez les films de prêtre ou de pasteur hanté ou perdu (type Mission, There will be blood…) et les ambiances danoises plutôt rudes comme celle de La terre promise, remarquable film de Nikolaj Arcel ; si vous aimez la photographie, les plans lents, les cadrages et travellings à l’esthétique exceptionnelle, les paysages islandais stupéfiants, les acteurs habités et hallucinés, les destins cruels, vertigineux et funestes — et voulez vous féliciter d’être bien au chaud et au sec, alors vous adorerez Godland et sans doute que, comme moi, vous le qualifierez de chef d’œuvre… (135 min – Disponible sur Arte.tv jusqu’au 06/10/2025)
Synopsis (texte d’Arte.tv) :
Chargé à la fin du XIXe siècle de bâtir une église en Islande et d’en photographier les habitants, un jeune prêtre danois commence à perdre pied… Par le plasticien et réalisateur Hlynur Palmason, une fresque contemplative à la photographie magistrale.
Danemark, fin du XIXe siècle. Lucas, jeune pasteur pétri d’idéalisme, est envoyé en Islande, alors sous domination danoise, pour bâtir une église sur un coin de côte coupé du monde où il sera chargé d’officier. Photographe amateur, il embarque avec son pesant équipement – boîte noire et plaques de verre – dans l’espoir d’immortaliser les paysages de l’île, battus par les éléments, et la population qu’il rencontrera en route. Mais après une houleuse traversée en mer et une épuisante équipée de plusieurs jours à dos de cheval qui le laisse exsangue, le prêtre, isolé, est saisi par le doute. Arrivé dans la petite communauté dont il devra diriger les consciences, qui se résume à quelques familles éparpillées sur la lande, Carl n’est plus que l’ombre de lui-même, et commence à perdre pied.
Chemin de croix
Dans la scène d’ouverture, le révérend qui envoie Lucas en mission l’avertit : dans l’été islandais, le soleil de minuit, les torrents débordants et les vapeurs pestilentielles émanant des volcans, semblant sortis des entrailles de l’enfer, rendent parfois les gens fous. C’est cette expérience existentielle extrême, traversée du désert et chemin de croix que l’on imagine aisément pour un austère pasteur luthérien jamais sorti de son Danemark natal, que filme magistralement le plasticien et cinéaste Hlynur Palmason (en compétition à Cannes en 2025 avec L’amour qu’il nous reste). Le point de départ de Godland est la découverte d’un coffre contenant sept plaques de verre, les premières prises de vues connues de la côte sud-est de l’Islande. En écho à ces images originelles, le réalisateur a fait le choix du format carré des premiers temps du cinéma, et sublime avec une photographie magistrale l’âpre poésie de la nature islandaise. Cruelle mais profondément humaine, parfois traversée d’une drôlerie paradoxale et interprétée par des acteurs danois et islandais plus vrais que nature – à commencer par Elliott Crosset Hove, air hagard et regard hanté –, une fresque contemplative d’une expressivité bouillonnante.