
Tunnel
Tout le monde lui serinait, « mais si un jour, c’est obligé, tu vas voir le bout du tunnel ; c’est certain, un jour ou l’autre, on s’en sort et on voit le bout du tunnel ». Cette expression avait le don de l’exaspérer. « Le bout du tunnel ». Chaque fois qu’elle entendait ces mots, elle fermait les yeux, soupirait, lasse de s’entendre répéter toujours qu’elle verrait le bout du tunnel et elle s’imaginait à chaque fois en un éclair au volant d’une voiture dans un tunnel, mais il y avait toujours cette autre voiture devant elle qui l’empêchait de voir leur putain de bout du tunnel. Et LUI était dans cette voiture. Aussi elle savait que lorsqu’elle verrait leur putain de bout du tunnel il y aurait toujours LUI devant pour lui boucher l’horizon. Elle expliquait alors cela, et alors les gens qui venaient de lui parler du bout du tunnel la dévisageaient silencieusement, embarrassés, et lui suggéraient à coup sûr qu’elle devrait peut-être voir quelqu’un, et peut-être que c’est ça justement qui lui permettrait de voir le bout du tunnel.
Du coup, c’était pire — et elle se mordait les lèvres pour ne pas leur avouer que LUI c’était justement son psy.
(Angers, France — 9 juillet 2019)