
Hamac
Elle ne cessait de lui parler de cette histoire de place. Tout le monde a une place. Le fils du voisin, regarde, même lui, et ton cousin qui n’est pourtant pas futé… Et toi tu n’as toujours pas trouvé, ni même cherché d’ailleurs, de place. Si ton père était toujours là, lui qui avait toujours trouvé à se placer, il serait fou à te voir glander comme ça à ton âge sur le canapé avec tes foutus jeux vidéos.
Il répondait que ce n’était plus d’actualité, que le monde arrivait à sa fin et qu’avoir une place n’avait plus aucune importance. On pouvait la perdre du jour au lendemain et bientôt, place ou pas place, pour tout le monde s’allait être pareil. Mais elle continuait à lui seriner qu’il fallait trouver sa place, avoir une place, se faire une place et gnagnagna la place et gnagnagna. Exaspéré, dès qu’il reçut ses allocations il s’acheta le hamac et l’installa derrière la maison, puis alla lui dire que la place idéale il l’avait trouvée, que c’était désormais la sienne, qu’il l’occupait — et maintenant fous-moi la paix.
(Vallet, 44 – 22 juillet 2019 )