
Panneaux
La question des panneaux « résidence » et « résidants », posés à l’initiative du gardien sous validation du syndic, avait agité la copropriété d’une façon quelque peu disproportionnée. Fallait-il écrire résidents ou résidants ? Les deux graphies se confondent ; ce n’est jamais clair et même les Québécois s’empoignent là-dessus. Créant de multiples factions alliées ou opposées, mais toutes très campées sur leur position (les fous d’orthographe ; les soucieux de l’image de la résidence ; les tenants de la faute et de la sanction les psychorigides sur la moindre dépense ; les fans du participe présent face à ceux de l’adjectif verbal ; les chipoteurs de définition ; les procéduriers; les libertaires…) l’affaire avait cristallisé les rancœurs, les jalousies, les antipathies, les rivalités de voisinage anciennes et mal digérées… On avait frôlé l’hystérie, sinon le pugilat. Et comme il fallut en sortir au bout de plusieurs semaines et que la petite communauté devait retrouver l’apaisement, le syndic vira le gardien.
Des années plus tard de nombreux résidents, et d’ailleurs même ceux qui se réclamaient d’être résidants, convinrent que finalement ils ne faisaient plus attention à cette faute, que tout le monde s’en fichait de ces panneaux, qu’on aurait pu les changer sans mettre en péril le budget — et il est vrai qu’on aurait surtout pu éviter de licencier le pauvre homme avec toutes les conséquences qui s’en étaient ensuivies, tels son divorce et son suicide.
(Corniche de Pontaillac, Royan – 10/08/19)