
Collection
La parution de l’article présentant sa collection de 3 700 canelles constituée en plus de 40 ans, et traçant son portrait dans ce magazine parisien prétentieux, avait été un coup très rude. Il s’était senti violemment agressé lors de sa lecture. Alors qu’il avait fait confiance à ce jeune journaliste et lui avait parlé durant des heures de sa passion, détaillant les différences parfois minimes entre chacune de ses pièces, le fonctionnement incroyablement délicat du système d’écoulement…, le plumitif fourbe n’avait voulu que s’intéresser à « Ces troubles psychologiques des collectionneurs » comme titrait le dossier. Et au final, même s’il s’en tirait mieux que l’accumulateur de bidets ou la DRH avec ses 200 cochons empaillés, il passait dans le magazine « de la compréhension du bien être » comme un vieux garçon, simplet, obsessionnel et introverti. De fait, tout avait été gâché : il ne considérait plus sa collection de la même façon depuis la parution de ce fiel, voire il s’en détachait tant le choc avait été intense. Le pire et le plus cruel c’est que le journaliste avait relié ses trésors à la terrible infection urinaire qu’il avait endurée à son adolescence, et avait même balancé sans scrupules au public son expression d’alors, « le bobo au robinet ».
Depuis il en voulait terriblement à Maman d’avoir parlé — et il se disait lors de chaque repas, renfrogné, qu’un jour il osera aborder la question avec elle.
[Depuis une photo envoyée sur Instagram par @helene_korn > Vous aussi soumettez-moi une photo ! 15/08/19]