Fin du monde en peluche

Traversant le no man’s land, elle tomba en arrêt sur la peluche dépenaillée, comme violentée, qui gisait au sol. Les immeubles en construction au loin, les grues immobiles dans la chaleur accablante qui assommait toute la ville accentuèrent la panique qui inexplicablement lui vint. Tétanisée devant la peluche — cette peluche comme on en voit dans les films catastrophe où tout le monde va mourir, mais soudain une petite fille en courant dans le fracas et le chaos perd sa peluche, alors contre toute raison, la mère ou le père revient sur ses pas, affronte le danger terrible, aveugle, destructeur, pour récupérer la peluche de la petite fille, mais tout s’écroule, tout s’embrase — non mais quelle idée, mais fuyez, fuyez, fuyez, laissez cette peluche… !  Toutes ces images la submergèrent d’un coup à la vue de cette peluche devenue obscène.
Elle examina les environs en tentant de calmer son émotion.
Elle était seule, pas une âme qui vive — mais il y avait cette peluche détruite, abandonnée qui l’observait fixement, paraissait énorme, immense, monstrueuse. Ce fut alors comme une révélation : la fin du monde était imminente. Le ciel allait d’ouvrir d’un instant à l’autre en une fissure crissante. Des soucoupes volantes, des créatures infernales, un éclair atomique, un tremblement de terre, un tsunami, une armée de robots invincibles… un péril inimaginable allaient soudain tout anéantir…
Alors elle s’agenouilla sur le sable brûlant. Sanglotant, elle saisit la peluche et la serra contre contre elle. La renifla… Pleurant sans pouvoir se contenir, déjà résignée, elle attendit que tout advint.


(Valence, Espagne – 19 mars 2011)