Petit exemple de lettres de motivations glanées sur Parcours Sup

Je ne vais pas révéler ma source, mais les lettres de motivation Parcours Sup ci-dessous sont issues d’un lot d’environ 1500 candidatures que des enseignants d’un département d’IUT ont dû examiner. Chaque enseignant-e a récolté environ 200 dossiers (bulletins, notes, appréciations de l’établissement, lettres de motivation…) a examiner en détail en quelques jours — et ça prend un temps fou. Il s’agit de lire les notes et bulletins des prétendants et de noter en quelque sorte chaque dossier pour trier tout ce pauvre monde. Une certaine idée de l’enfer administratif, en somme, consistant à trier des gamins qui peuvent être de même niveau au dixième près via un système absurde. Par exemple, celle qui va se retrouver au final après la réévaluation de son dossier sur Parcours Sup avec un 11,76 sera mieux placée que celui qui aura un 11,77, et ça peut grandement faire la différence entre eux pour se retrouver ou non dans le quota de places. Absurde car angoissant et décourageant : les jeunes évalués, alors qu’ils n’ont pas fini leur terminale, se retrouvent à postuler à des formations qu’ils n’ont aucunement envie d’intégrer parce qu’ils doivent enfiler de force des choix, sachant qu’ils se feront de toute façon éliminer parce que l’algorithme est biaisé, parce qu’il n’y a pas de places, parce que, parce que, etc. Absurde car l’appauvrissement immense et évolutif des étudiants fera qu’ils ne pourront s’exiler à l’autre bout du pays ; absurde car nous baignons dans une politique qui vise à pousser vers les écoles privées en coupant toujours plus les moyens au public depuis vingt ans au moins… La philosophie de Parcours Sup participe grandement de la désaffection vers le service public… Du moins tant que les gens pourront payer, ce qui n’est peut-être pas garanti sur le long terme. Bref, tapez dans Google « critique de Parcours Sup », vous verrez les reproches innombrables et argumentés qui émanent, et ce, même depuis le Sénat.
Dans ce joyeux principe, des lycéennes et lycéens postulent, mais beaucoup n’en ont finalement rien à foutre, le mot n’est pas trop fort, car en plus ils ou elles savent que les études ne leur garantissent plus rien, en tout cas pas forcément du boulot. Certains, du coup, se lâchent dans la partie « lettre de motivation » car on leur demande en plus d’être motivés par écrit de la même façon qu’il faut l’être pour être embauché dans un abattoir ou, toujours, pour n’importe où ailleurs. Quand les lettres ne sont pas copiées-collées désormais depuis ChatGPT, et ça se voit, ce qui renforce chez les examinateurs le plaisir d’avoir dû fastidieusement les trier, c’est de tomber sur du fantaisiste ou  carrément sur du… « va te faire voir… ».

Commençons par le gentil :

• Prix de la « motivation sympathique et compassionnelle ». Je souffre d’écrire ces lettres de motivation, mais je sais qu’à les lire, vous aussi :

• Prix de la « motivation farouche ». Je montre ma détermination : non seulement je suis venu aux portes ouvertes de l’établissement, mais je peux le prouver. Alors hein… 



• Prix de la « motivation désinvolte ».
Je montre déjà que je suis au maximum de mes capacités de production.


Et maintenant, le « va te faire voir » :

• Prix de la « non-motivation pour ta formation ». Je montre que j’ai d’autres préoccupations, mais je suis obligé de postuler (mes parents, tout ça…) :


• Grand Prix de « non-motivation pour quoi que ce soit ». Je montre que j’ai rempli l’espace « lettre de motivation », mais en fait, je te m… :