[Reco films] « Mr Turner », de Mike Leigh (2014)

Le descriptif d’Arte.tv ci-dessous restitue très bien l’essence du film. C’est une biographie partielle sous un traitement inhabituel (par touches), ce qui la rend très intéressante, outre le superbe travail du cinéaste sur la lumière, la composition picturale magnifique des plans, sans omettre le jeu d’acteur fascinant de Timothy Spall. Toutefois, elle peut mener à une idée faussée de la vie de William Turner. Ainsi, au travers du film, on croirait Turner rejeté et asocial (or, semble-t-il, il a été couvert d’honneurs, de responsabilités, de succès, d’argent et a beaucoup voyagé) ; on peut se méprendre sur la cause de sa mort ; des scènes avec sa gouvernante malade sur la fin posent questions, etc. Hormis ces travers par rapport à la vérité générés donc par ce choix narratif de compiler des « moments » des 25 dernières années du peintre de la lumière précurseur de l’impressionisme, sinon d’une certaine abstraction, le film est absolument remarquable.

Synopsis du site d’Arte.tv : Au travers des dernières années du peintre britannique J. M. W. Turner, génie et ogre interprété par un Timothy Spall habité, Mike Leigh sonde le mystère de la création, dans un film crépusculaire inspiré.
C’est un bon fils et un homme exécrable, un génie et un monstre. En cette première moitié du XIXe siècle, J. M. W. Turner, géant de la peinture, ne vit que pour son art, rustre sans âge qui dessine compulsivement dans des carnets, négligeant ses proches, sa dévouée et aimante servante comme son ancienne maîtresse, mère ulcérée de ses filles. Seule la profonde complicité avec son assistant de père, dont le vieux cœur se gonfle d’orgueil devant le talent fou de son rejeton, laisse entrevoir l’humanité de l’infréquentable artiste. Lequel, solitaire, nourrit son obsession de la lumière par de longues déambulations-contemplations, scrutant infiniment l’horizon maritime, voire tentant d’éprouver la tempête, en se faisant ligoter à un mât.

Art brut

Dans une Angleterre humide nimbée de brumes, entre un Londres inhospitalier et un puissant bord de mer, Mike Leigh restitue les vingt-cinq dernières années du peintre en croquant son quotidien par petites touches impressionnistes. Sans le ménager – il ne cache rien ni de ses grognements, son langage de prédilection, ni de ses tendances lubriques -, le cinéaste s’attache d’abord, à travers son ogre de héros, à sonder le mystère de la création, quête infinie dépassant tout à la fois Turner et le cinéaste lui-même, qui s’en empare pour mieux s’en étonner. Il s’imprègne des ciels crépusculaires, traque l’inspiration et ses voies impénétrables, entre les errances de l’artiste inadapté et ses fulgurances raffinées, qui bousculent la Royal Academy de l’époque romantique, à la veille de l’émergence de la photographie. À ce titre, Mr. Turner, qu’incarne sans concession un Timothy Spall habité (prix d’interprétation à Cannes) pour le rendre plus sensible qu’attachant, diffère du biopic classique – une manière d’hommage à la transcendance.

> Dispo sur Arte.Tv jusqu’au 25/08/25