
[Reco texte] « Les chiens de tourmente » une « chronique cynégétique » du Père Duchesne
Je déteste les chasseurs — surtout ceux qui dès 11 heures du matin dans les vignes tout près chez moi picolent sur le capot de leurs bagnoles en gueulant après leurs chiens après avoir descendu des poules faisanes ou des perdrix à peine peureuses élevées par l’un d’eux et lâchées pour l’occasion ; ou qui passent dans ma cour ou derrière ma maison le fusil non cassé. Il y a aussi nombre de chasseurs de toute façon bien haïssables : tous ceux imprudents descendeurs de cyclistes et de randonneurs, qui s’entretuent par force d’incompétence ou de connerie, qui exterminent des populations d’oiseaux en danger, qui usent de procédés cruels. (Il y aurait dit-on pourtant des chasseurs qui servent à rétablir ou entretenir des équilibres cynégétiques — par exemple la catastrophique surabondance des sangliers… mais si ces bestiaux ravageurs sont en surnombre, c’est parce qu’ils ont souvent été discrètement nourris… par les chasseurs eux-mêmes).
Bref : la chasse, ce n’est pas vraiment mon truc.
« Le Père Duchesne » est un écrivain, enseignant (universitaire?) canadien dont je suis la newsletter : analyses érudites, politiques, historiques, artistiques ou sociales très écrites et passionnantes. Son dernier texte à ce jour, en accès libre est une brève nouvelle qui traite de la chasse… Ce n’est donc pas ma tasse de thé a priori, et pourtant je trouve que c’est une des meilleures nouvelles que j’ai lues depuis longtemps. C’est une réflexion sur l’interdépendance des humains, de la nature et des systèmes politiques. Elle montre comment l’histoire, la violence, et l’évolution se croisent, et comment nous sommes toujours tiraillés entre notre désir de contrôler, notre besoin de comprendre, et notre incapacité à réconcilier les tensions entre ces forces. Dans ce court texte, la violence du monde, qu’elle soit symbolique ou physique (la chasse, les migrants, la surveillance), est omniprésente, et la quête de sens, à travers la chasse ou la réflexion, semble être une tentative de se confronter à cette réalité brute.
Ce texte, qui m’a donc scotché et que je trouve remarquable — comme quoi, hein, il faut écouter tous les points de vue —, est là en français : « Les chiens de tourmente » une « chronique cynégétique » du Père Duchesne. Il y est question de chevreuil, comme un signe que nous enverrait un dieu (« un monstre » appelaient alors cela les anciens Grecs).
[Le gif animé que j’ai mis en illustration est une vidéo convertie de Das Reh, de Julius von Bismarck, 2024, Bois, fourrure, treuils, contrôleurs, socle en bois, 165 x 108 x 60 cm. > Lisez l’explication de l’œuvre exposée à Art Basel 2024, en complément et écho à la nouvelle du Père Duchesne, notamment les deux derniers paragraphes.]