Vieillerie recommandée : « La chasse au lézard », de William Boyd
Il y avait quelques années que je n’avais pas lu de nouvelles (outre celles des participant-e-s à mon atelier d’écriture en ligne ; atelier que j’ai d’ailleurs mis en pause depuis le printemps dernier) et ce livre m’a réellement fait du bien. En fouinant ces jours-ci dans ma bibliothèque, j’ai en effet retrouvé ce recueil non lu de William Boyd — une vieillerie de 1990, mais on le trouve toujours en poche — un auteur que j’aime beaucoup pour avoir goûté par le passé nombre de ses premiers romans, dont le désopilant Un anglais sous les tropiques, le suivant Comme neige au soleil, le magistral Les Nouvelles confessions, puis quelques autres ensuite (*). Cet auteur (et producteur de vin qui proposait un pécharmant de folie, découvert quand je demeurais à Bergerac dans les années 90/2000) a décidément un talent immense.
J’ai replongé dans tout ce que j’aime de la nouvelle anglo-saxonne aux antipodes de la littérature française si souvent égotiste nombriliste chouiniste petite bourgeoise prétentieusement arty alambiquée, sinon carrément gazeuse : une littérature chez Boyd constituée de véritables tranches ou moment de vies très diverses et documentées, de vrais personnages, d’impeccables histoires en fractales — en auto-similarité dit-on — de l’existence, et un art particulier de la « chute-non-chute » qui fait sens ou vertige. Voilà qui me donne envie de me mettre à jour de tous les ouvrages manqués de ce Boyd que je n’aurais jamais dû délaisser. Le recueil La chasse au lézard est en effet une boîte de bijoux qui me fait même penser à un Raymond Carver qui se serait laissé aller à être plus bavard, plus descriptif, d’un style moins étique. Contrairement à ce que l’éditeur prétend ci-dessous, l’humour est loin d’être omniprésent dans ces nouvelles qui mettent en scène en majorité des hommes ayant un problème relationnel avec les femmes — mais c’est profond et remarquable.
(Sinon, William : pourquoi quatre femmes inquiétantes dans ces nouvelles fument-elles plus particulièrement des cigarettes mentholées ? Pourquoi un aviateur désagréable d’une des histoires suce-t-il des pastilles de menthe ? La cigarette menthol, la menthe… cela signifie ou traduit quoi, chez toi, mon Billy ? On nous fait une aversion ? Allez, confie-toi…)
Résumé de l’éditeur : Avec ce premier recueil de seize nouvelles qui sont autant de mini-romans, l’auteur des Nouvelles Confessions fait une étincelante démonstration de la diversité de son talent d’écriture et de la richesse de son imagination. Qu’il mette en scène les angoisse sexuelles d’un collégien écossais, les obsessions d’un maniaque californien des piscines ou les vaccinations médico-philosophiques d’un opéré du cerveau, Boyd navigue avec beaucoup d’aisance d’un continent et d’un rivage à l’autre et souvent à travers les régions glauques situées à la frontière de la folie. Les lecteurs d’Un Anglais sous les tropiques retrouveront aussi avec bonheur l’inénarrable Morgan Leafy, dans deux autres aventures afro-frustrantes d’un humour typiquement boydien. Un humour qui sait se faire tendre pour relater la vie et les amours de l’étudiant d’ « Alpes-Maritimes, » un jeune homme qu’a visiblement bien connu… l’auteur.
(*) La croix et la bannière, Brazzaville Beach, Solo.
Photo du haut : lézard, photographié à mes pieds dans un restaurant sur la plage principale de Pointe Noire (République du Congo) le 5 novembre 2017, à 14h27 — à en croire les métadonnées.