« Sirāt », de Óliver Laxe… encore un film bien trop encensé (longue critique et spoilers)

[Attention : spoilers/divulgâchages] Je suis hier soir allé voir dans le superbe et vaste cinéma très bien équipé (toujours quasi vide !) de ma petite ville, le film Sirāt, de Óliver Laxe, prix du jury ex aequo Cannes 2025. Ce qui m’a poussé à me bouger — je suis très difficile en matière de cinéma et de série — est le déluge de superlatifs qui l’a accompagné (« un choc », « spectaculaire », « fulgurant », « dément », foudroyant », « étourdissant »…). Je m’attendais donc à un film qui pète les codes habituels du récit, une expérience visuelle et sonore rare et un trip probablement fantastique et métaphysique (me concernant, le dernier film dans ce cas est Bardo de Alejandro González Iñárritu, sorti en 2022 — génie !)… Et alors, quelle déception !

Certes, quelques images superbes du désert marocain et des camions dans la nuit, certes une musique qui sublime le récit… mais je ne comprends vraiment pas l’engouement pour ce film, et, à son origine, ni le projet, ni l’ambition, ni ce qu’il voudrait éventuellement nous dire (hormis que la fin du monde est advenue ?, comme le pense un personnage en écoutant la radio. Ou qu’elle va l’être bientôt ? Que la fête est finie ? Que nous allons danser jusqu’à l’épuisement en attendant la mort pendant la 3e guerre mondiale ?).

On est face à une œuvre qui me paraît être inaboutie, voire parfois un peu paresseuse et bâclée :  un grand nombre de faits ou d’éléments de l’arrière plan sont effleurés et auraient pu être bien mieux développés, bien mieux exploités — on dirait le « scène dropping » souvent hâtif d’un cinéaste qui a voulu se faire plaisir en créant et agrégeant ses envies de morceaux d’anthologie. On dirait qu’il s’est dit à l’arrache qu’il fallait poser ici et là des détails un peu signifiants pour donner de la chair à l’ensemble. La temporalité me paraît déconnante : certains passages sont étirés pour obtenir de la tension, mais viennent buter sur une chronologie globale trop condensée. Le mystère sur chaque personnage (on ne sait quasiment rien d’eux ni de leur histoire, et pourquoi pas, c’est même très bien : le principe est intéressant), en mode freaks (deux amputés, un groupe de marginaux fracassés) ressortit du procédé (convoquer du voyeurisme) à défaut de leur apporter de la profondeur (et ils et elles sont plutôt Bisounours et convenus). La tension est entretenue pour beaucoup par quelques coups de théâtre (tardifs — ainsi la mort d’Esteban, qui fait basculer enfin le film en une sorte de 2e partie, dans un nouvel enjeu) à défaut d’avoir su développer des lignes narratives denses et des relations psychologiques tendues.

La combine de l’errance fatale dans le désert en resucée mode acid house techno transe free/rave parties et mur de son dans le désert n’en fait qu’un vaste clip entrecoupé de passages qui rappellent fortement (pour les vieux machins comme moi), mais ne sont absolument pas du même niveau, des moments de très anciens films genre Le Salaire de la Peur ou Un taxi pour Tobrouk, Le Paradis des pilotes perdus — et j’en oublie ou en omets. Il y a bien l’acme : la traversée du champ de mines, et c’est peut-être le seul moment scénaristiquement travaillé (et encore une fois : vraiment rien de neuf). Et pour les dernières minutes… on s’en tire avec une ellipse monstrueuse et insatisfaisante, qui trahit bien le côté patchwork général du film. Les acteurs sont excellents, mais l’ensemble ne compose donc qu’un road movie somme toute assez ordinaire, et largement perfectible.

Ce film est du tape-à-l’oeil, du bluff. Je n’en peux plus de cette « critique » cinéma fainéante qui relaie en brigade d’acclamation « la com’ de la prod' » et se laisse épater. Il n’y a plus d’exigence.

Début du synopsis (> la totalité du récit est sur Wikipédia, mais il vaut mieux l’ignorer avant de voir le film) : Dans le désert marocain, une free party bat son plein. Luis est à la recherche de Mar, sa fille ne donnant plus de signe de vie depuis plusieurs mois, et distribue des flyers avec son fils de douze ans, Esteban. Un groupe de raveurs, Stef, Jade, Tonin, Bigui, et Josh, les informe que leur fille pourrait se trouver dans une autre rave située dans le sud, près de la Mauritanie.