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« C’est une vraie chance que vous avez eu », fit le biologiste en dézipant sa combinaison argentée. « Votre terrain est le seul qui n’a pas été contaminé lors de l’accident. Vous avez même un coquelicot. C’est exceptionnel ». Le scientifique eut un sourire triste : « C’est même sans doute le dernier de la région… Il faut nous laisser revenir le prélever pour le mettre en sécurité ».
Il vira l’homme aussitôt en lui interdisant de remettre les pieds chez lui.
« C’est une propriété privée ; allez tous vous faire foutre les scientifiques », hurla-t-il.
« Tout ça, c’est de votre faute ».
Résolu à profiter de l’aubaine, il passa illico des coups de fil aux entreprises alentour pour lancer au plus tôt les travaux de terrassement d’un parking, la pose d’une haute clôture et la construction d’un portail et d’une guérite pour la vente des tickets. À lui les bus de Japonais ! Une telle curiosité, qui plus est sous l’argument écolo, allait vite devenir une attraction touristique populaire et surtout rémunératrice…
C’est le surlendemain, en reculant, qu’une pelleteuse qui étalait le gravier écrasa la fleur.
(à Vallet, 44, 16 juin 2019)