[Gastro-littérature] Le Sandwich Émily Brontë — “L’âme du vent”

À la suite de la découverte dans un distributeur de sandwichs portant le nom d’écrivains, j’ai décidé de développer la gastro-littérature (en sandwichs). Voici la neuvième recette* : le Sandwich Émily Brontë — “L’âme du vent”. Bon appétit !


Le Sandwich Émily Brontë — “L’âme du vent”

Le sandwich Émily Brontë n’est pas fait pour les faibles. Chaque bouchée attire dans la tourmente, comme un vent qui s’engouffre par les fenêtres entrouvertes. C’est un met austère et mystique, un peu sauvage, qui nécessite du courage physique et l’amour des animaux (enfin : du gibier). C’est à apprécier entre les tâches ménagères, les longues promenades pénibles sur la lande trempée par la pluie, et des moments d’une écriture si exigeante qu’elle en devient une autoflagellation. 


Ingrédients (pour un esprit en quête d’un amour impossible)

• 2 tranches de pain de seigle sombre, rugueux et terreux, comme la lande brumeuse lors d’une nuit sans lune.
• 150 g de viande de gibier (cerf ou chevreuil), légèrement saignante, charnue et un peu dure.
• 1 fromage de chèvre affiné, à la croûte râpée, piquante.
• Quelques tranches d’oignon rouge cru, acides comme une passion non dite.
• Une petite cuillerée de compote de pommes (gâtées), pour une touche de douceur insoutenable, car frustrante et ratée.
• Quelques herbes sauvages de préférence glanées sur la lande, non lavées, un peu sableuses ou tourbées, parsemées comme des souvenirs rudes et fragmentés (le thym et le romarin sont possibles, quoique apportant une touche de fantaisie qui peut dénaturer l’esprit du met. On préférera la bruyère ou de la fougère pour l’aromatique, mais aussi pour se rappeler la pauvreté, et si les herbes sont indigestes, ce sera pour ne pas oublier l’amertume, la perversité et la violence en toutes choses.)


Préparation 

Ouvrez les fenêtres de la cuisine et des pièces voisines pour créer de puissants courants d’air.
Se prépare plutôt par une nuit ténébreuse et funeste, ou en journée sous un ciel plombé ou une pluie battante.

• Griller le pain de seigle jusqu’à ce qu’il soit noirci sur les bords, mais encore tendre à l’intérieur, comme une peau craquante qui aurait été marquée par la foudre et est prête à se crevasser horriblement.
• Faire cuire la viande de gibier, mais jamais trop. Elle doit être saignante, comme un cœur qui bat encore, mais aussi rester un peu dure. Il s’agit d’atteindre une saveur qui évoque tant l’âpreté du désir insatisfait que la rudesse de l’expiation.
• Disposer sur une assiette rustique dénuée de beauté, pauvrement et sans précaution, le fromage de chèvre, les oignons, la viande, et la minuscule cuillerée de compote.
• Parsemer des quelques herbes sauvages et fourbes.
• Refermer le sandwich avec une pression légère, contenue comme une étreinte désespérée, mais digne.


Note de dégustation

Ce sandwich se mange seul, dans une chambre froide, avec un regard perdu sur l’horizon brisé, loin du monde extérieur bien trop exubérant, en composant ou se récitant la bouche pleine des poèmes farouches dont « la métrique sera le pentamètre iambique ([u —] x 5) musclée par un accent sur la première syllabe de chaque vers, en cela substitution trochaïque conférant comme une poussée ; la césure du deuxième pied et l’utilisation de rimes féminines, constituées de deux mots ou plus formés chacun de deux syllabes, la première accentuée et la seconde non accentuée [— u], aux vers un et trois de chaque strophe, excepté la première et la quatrième » pour produire « un effet comparable à l’andante maestoso d’une marche funèbre »).
Ce n’est donc pas un repas, c’est un effort permanent, c’est une épreuve récurrente, c’est une réminiscence douloureuse. C’est le goût solennel de ce qui n’est pas partagé. C’est l’amertume qui ne vous quittera jamais.

« J’ai pris une bouchée. J’ai senti le vent dans mes cheveux. Je me suis dit qu’il ne reviendrait jamais. »
— Emily Brontë (peut-être).


(*) élaborée en co-écriture avec ChatGPT, que j’entraîne sur mes écrits, approches et traitement de sujets depuis janvier 2023 et en lui donnant des consignes particulièrement tordues selon le projet. Puis j’en rajoute et j’améliore, car dans cette cuisine, c’est moi le chef. Illustrations : ChatGPT.

À venir : le Sandwich Céline — « Voyage au bout de la nuit (sans mayonnaise) ».


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