
[Gastro-littérature] Le Sandwich Brett Easton Ellis — « Business Class Delirium »
À la suite de la découverte dans un distributeur de sandwichs portant le nom d’écrivains, j’ai décidé de développer la gastro-littérature (en sandwichs). Voici la quatorzième recette* : Le Sandwich Brett Easton Ellis, « Business Class Delirium ». Bon appétit !
Le Sandwich Brett Easton Ellis — « Business Class Delirium »
Le sandwich Brett Easton Ellis, c’est un univers de surfaces brillantes, de néons blafards, d’angoisse clinique sous costume sur-mesure. Le sandwich sera monochrome, glacé, chirurgical, avec des éclats rouges qui ressemblent à une erreur de montage. C’est un objet de désir angoissé, plus design que nourricier. Il convoque à la fois de luxe des restaurants inaccessibles dont on lit les évaluations dans la presse, et le désespoir sous psychotropes : il faut rompre avec une réalité jugée insupportable. La sophistication extrême, l’abondance d’ingrédients raffinés sont un refuge… même si l’ambiance est mortifère. Même si on réalise avec maniaquerie ce sandwich pour passer l’envie de descendre massacrer un SDF en bas de l’immeuble.
Esprit
Un sandwich club new-yorkais spectral et névrosé : blanc, noir, chrome, une bavure écarlate. Saveurs nettes : gras élégant (moelle), acidité froide (pamplemousse), anisé (fenouil), viande presque crue et parfum sombre (truffe/café). Ça sent la salle de bains en marbre où l’on s’envoie une ligne de coke, et le stress permanent.

Ingrédients (les moindres doivent être coûteux)
Pain & structure
• 2 tranches pain au lait sans croûte, carrées, grillées très pâle (aspect carte de visite).
• 1 c. à s. beurre clarifié (pour un toast lisse, sans couleur).
Le cœur halluciné
– 120 g filet de bœuf saisi bleu puis tranché très fin (ou tataki — cœur rouge, liseré noir).
– 1 c. à s. aioli de moelle (moelle osseuse montée comme une mayo : voir ci-dessous).
– 1 mini fenouil émincé ultra-fin, glacé au jus de pamplemousse (5 min).
– 1 c. à s. gel de betterave-pamplemousse (rouge clinique).
– 1 c. à c. de poudre de café très fin (ou cacao non sucré, micro-pincée).
– Zeste de pamplemousse très fin.
– Sel fumé, poivre blanc.
Finition & détails “Bateman”
– 4–5 copeaux de truffe (ou huile de truffe noire, 2–3 gouttes).
– 1 tuile “carte de visite” : rectangle de brick doré à blanc, embossé à prix d’or (optionnel).
– Quelques micro-pousses (shiso vert ou oxalis) pour une nervure acide. On peut les exiger. Ce n’est pas du snobisme, c’est un détail crucial.
Préparations clés
1) Toast carte de visite
– Toaster les tranches sans les colorer (beurre clarifié, feu doux). Elles doivent rester ivoire, bords nets.
2) Aioli de moelle (2 cuillères, pas plus)
– Pocher 40 g de moelle 2–3 min., égoutter, mixer avec 1 jaune d’œuf, 1 c.à c. de moutarde blanche, sel, poivre blanc, puis monter à l’huile neutre très lentement.
– Finir d’1 goutte de jus de citron. Doit être lisse comme un lavabo neuf (la salle de bain, encore).
3) Fenouil glacé / pamplemousse
– Émincer très fin. Casserole : 5 cl jus de pamplemousse, 1 c. à c. sucre, pincée de sel.
– Chute rapide 3–5 min : il doit rester croquant, acide, nerveux. Refroidir.
4) Bœuf “froid brûlé”
– Poêle très chaude, 15–20 sec. par face, juste pour un liseré sombre.
– Repos 2 min., trancher fin.
– Sel fumé, poudre de café (pincée microscopique : mêmes considérations que pour le shiso vert ou l’oxalis).
5) Gel rouge (trace)
– Mélanger jus de betterave + un trait de pamplemousse ; lier à l’agar (ou gélatine) pour texture verre cassé.
– Couper en petits éclats — la “bavure”.
Montage (clinique)
– Tartiner une face de chaque toast d’un voile d’aioli de moelle.
– Sur la base : bœuf tranché → gel rouge en éclats → fenouil glacé → zeste.
– 2–3 copeaux de truffe. Poivre blanc.
– Coiffer. Presser au tamis (littéralement : poser un chinois et appuyer délicatement) pour obtenir un parallélépipède parfait. C’est un sandwich psychotique.
– Nettoyer les chants au couteau chaud. Déposer la tuile “carte de visite” en diagonale. Deux micro-pousses.
Service / Mise en scène
– Assiette blanche immaculée. Taches rouges calculées (3 points de gel).
– Couteau long et serviette pliée au millimètre.
– Éclairage froid (type néon) pour l’effet “salle de bain sur Park Avenue”.
Note de dégustation
– Attaque glacée (toast ivoire, aioli lisse), pointe métallique (bœuf très saignant), acidité propre (fenouil–pamplemousse), ombre aromatique (truffe, café). La bouche hésite entre plaisir et panique. C’est voulu pour compenser l’effet des substances (voir plus bas).
Variantes selon le chapitre
– “American Pichel” (martini) : remplacer le gel rouge par des perles de vermouth (siphon/agar), et zeste de citron à la place du pamplemousse.
– “Conférence de presse” : en mini-sandwichs découpés 3×5 cm, alignés comme des cartes de visite.
– “Salle de sport” : remplacer la moelle par du yaourt grec au citron + pointe de raifort, garder le reste. (Plus maigre, même froideur.)
Accords
– Dry martini très sec, ou un expresso très court servi avant (pour le tremblement).
– On peut accompagner de (ou plutôt anticiper avec) quelques Quaalud, mais d’une façon générale, feront effet en quantités déraisonnables :
– Cocaïne, héroïne, cannabis, ecstasy, amphétamines (drogues « dures » et festives)
– Benzodiazépines, barbituriques, antidépresseurs, analgésiques, somnifères (médicaments)
– Vodka, whisky, gin, champagne, tequila, bières haut de gamme (alcools de marque ou de luxe : Chivas, Dom Pérignon…)
– Playlist : synthés 80s, bpm régulier. Surtout, surtout, surtout : pas d’âme.
(*) élaborée en co-écriture avec ChatGPT, que j’entraîne sur mes écrits, approches et traitement de sujets depuis janvier 2023 et en lui donnant des consignes particulièrement tordues selon le projet. Puis j’en rajoute et j’améliore pas mal, car dans cette cuisine, c’est moi le chef. Illustrations : ChatGPT.
À venir : le Sandwich Marguerite Duras — « Triptyque des silences ».
Index des « gastro-littérature » parus pour l’instant :
- [Gastro-littérature] Le Sandwich Brett Easton Ellis — « Business Class Delirium »
- [Gastro-littérature] Le Sandwich George Sand — « Miche & Rillons »
- [Gastro-littérature] Le Sandwich Raymond Queneau — « Exercices de style(s) » (et ses variantes)
- [Gastro-littérature] Le Sandwich Annie Ernaux — « Espace liminal entre deux tranches »
- [Gastro-littérature] Le Sandwich Céline — “Voyage au bout du goût de la nuit (sans mayonnaise)”
- [Gastro-littérature] Le Sandwich Émily Brontë — “L’âme du vent”
- [Gastro-littérature] Le Sandwich Stephen King — “It bled” (« il a saigné »)
- [Gastro-littérature] Le Sandwich Barbara Cartland — “Passion et pétales”
- [Gastro-littérature] Le Sandwich Marguerite Duras — “Le pain, l’alcool, l’oubli”
- [Gastro-littérature] Le Sandwich Yukio Mishima — “Le Festin du Sabre”
- [Gastro-littérature] Le Sandwich Virginia Woolf – « To the toast »
- [Gastro-littérature] Le Sandwich William Faulkner – « Tandis que je mâche »
- [Gastro-littérature] Le Sandwich Charles Bukovski – « Tranche de défaite quotidienne”
- [Gastro-littérature] Le Sandwich Ernest Hemingway – “Le Vieil Homme et le Steak”
- [Où étais-je le… ?] 05 juin 2023, devant un distributeur de sandwichs où soudain surgit la gastro-littérature